Dans le domaine de l’aviation, des spécifications sont rédigées pour réglementer la conception et la fabrication des aéronefs. La spécification de certification 23 (CS-23), par exemple, définit les exigences applicables aux petits aéronefs. Ces spécifications ont un champ d’application étendu puisqu’elles couvrent une large gamme d’aéronefs en dessous d’un certain poids et d’une certaine taille.
Afin de garantir la sécurité juridique et de contribuer à une mise en œuvre uniforme de la loi, l’AESA publie des moyens acceptables de conformité (AMC) qui ne sont pas contraignants mais peuvent être utilisés pour démontrer la conformité avec les exigences applicables de la loi. Par exemple, l’amendement 5 de la spécification CS-23 définit de nombreuses normes qui peuvent être utilisées comme moyens acceptables de mise en conformité aux exigences de la spécification CS-23.
Les AMC n’étant pas obligatoire, les entreprises peuvent également décider de proposer leurs propres moyens de se conformer aux règles. Il s’agit alors d’un moyen alternatif de mise en conformité (Alternative Means of Compliance – AltMoC), qui doit être convenu avec l’autorité compétente.
Dans le contexte des drones, les conditions spéciales pour les systèmes d’aéronefs télépilotés légers (SC Light-UAS) – risque moyen et risque élevé ont été publiées en décembre 2020 et 2021 respectivement. Ces spécifications traitent des spécifications de navigabilité des drones exploités dans la catégorie spécifique à risque moyen et élevé. Les AMCs qui traitent les exigences techniques de la catégorie SC Light-UAS – risque moyen sont appelés « Means of Compliance » (moyens de mise en conformité) ou « MoC ».
Applicabilité des moyens de mise en conformité
Les MoCs ont généralement une applicabilité assez bien définie. Un moyen de mise en conformité pour les drones de moins de 1 m n’est pas nécessairement applicable aux drones plus grands.
Dans le cadre de l’évaluation des risques liés aux opérations spécifiques (SORA), il est essentiel de comprendre l’applicabilité des moyens de mise en conformité avant d’utiliser le dît MoC.
La SORA est une méthodologie développée par les Joint Authorities for Rulemaking of Unmanned Systems (JARUS) et utilisée pour l’analyse des risques des drones afin que l’autorité puisse comprendre si un exploitant de drone va opérer en toute sécurité. La SORA a été adopté par l’EASA comme moyen acceptable de mise en conformité pour voler dans la catégorie spécifique. La SORA de JARUS classe les opérations en fonction des risques qu’elles présentent au sol et dans les airs. Le niveau d’assurance et d’intégrité spécifique (SAIL), qui est un score compris entre I et VI, est calculé en fonction des risques de l’opération.
Certains moyens de mise en conformité peuvent s’appliquer de manière spécifique aux SAIL inférieurs et non aux SAIL supérieurs, et vice versa. L’applicabilité des moyens de mise en conformité doit avant tout être évaluée.
La condition spéciale pour les systèmes légers d’aéronefs sans pilote
Les exigences techniques de la SORA jusqu’au SAIL III seront vérifiées par l’autorité aéronautique nationale (DSAC, OFAC, LBA etc..), tandis que certains éléments peuvent nécessiter une vérification de la conception de la part de l’AESA. Pour un SAIL IV, l’AESA appliquera le processus de vérification de la conception et vérifiera la conformité à la condition spéciale Light-UAS à risque moyen, tandis qu’en SAIL V et VI, cela réquierera un certificat de type basé sur la condition spécial Light-UAS à risque élevé.
Ces conditions spéciales pour les risques moyens et élevés a été publiée dans le but de disposer d’une spécification de certification qui fixe des objectifs et qui soit moins prescriptive. Les spécifications antérieures ont été élaborées sur la base des spécifications de certification des aéronefs pilotés, qui étaient plutôt prescriptives et pas toujours adaptées à la large variété de drones.
La condition spéciale s’applique aux drones qui ne transportent pas d’êtres humains, pour des opérations dans la catégorie spécifique avec des drones jusqu’à 600 kg et son champ d’application est donc assez large puisqu’il peut s’appliquer à tous les types de drones dans de nombreuses situations différentes.
Le moyen de mise en conformité avec SC Light-UAS.2510
Le moyen de mise en conformité à l’exigence SC Light-UAS.2510 est souvent perçu comme le moyen de mise en conformité le plus importants pour compléter la réglementation sur les UAS. Il ne concerne que l’exigence SC Light-UAS.2510, mais il est lié à la conception du système et aux analyses de sécurité pour garantir qu’il n’y a pas d’accident fatal en cas de dysfonctionnement ou de défaillance de l’un des sous-systèmes de l’aéronef. Ce moyen de conformité fait actuellement l’objet d’une consultation externe jusqu’au 31st d’août 2023 pour le SAIL IV et doit encore être rédigé pour le SAIL III. On estime que ce moyen de conformité apportera une plus grande sécurité juridique dans un avenir proche pour les opérations au-dessus des personnes dans les pays de l’AESA.
Le moyen de mise en conformité actuellement proposé pour le SAIL IV définit la conformité au moyen d’une évaluation des risques fonctionnels conformément à la norme EUROCAE ED-280 et d’une évaluation de la conception et de l’installation conformément à la norme ASTM F3309-21. Il propose en outre une définition de la notion de perte de contrôle et de la manière de garantir un niveau acceptable d’assurance de développement (DAL C).
Le moyen de mise en conformité avec SC Light-UAS.2511
Ce moyen de mise en conformité a été publié en mai 2022 et définit une manière de se conformer à l’exigence de confinement renforcé conformément à la SORA.
Le moyen de mise en conformité est de nature déclarative lorsqu’il est utilisé en SAIL II, pour les drones dont les dimensions caractéristiques sont inférieures ou égales à 3 m et dont l’énergie cinétique est inférieure ou égale à 34 kJ. Les demandeurs peuvent ainsi déclarer leur conformité à ce MoC auprès de leur autorité nationale de l’aviation.
Le MoC aborde en particulier la question de la conformité au confinement renforcé par l’utilisation d’un système de terminaison de vol indépendant. Il décrit en outre comment la ségrégation du système doit être effectuée et comment le système doit être testé (quatre types de tests). Il est également pertinent pour la taille de la zone tampon dans le cadre de la SORA puisqu’il prescrit également la taille de cette zone lorsque ce moyen de conformité est utilisé.
Pour les opérations de SAIL supérieure à II et pour les drones de plus de 3 m, les candidats pourront utiliser ce MoC, mais l’AESA devra vérifier la conformité du système et des essais dans le cadre d’un processus de vérification de conception.
Le moyen de mise en conformité avec SC Light-UAS.2512
Ce moyen de mise en conformité est une façon de se conformer aux exigences de la SORA lorsqu’on utilise une argumentation de réduction des risques liée à la létalité et/ou à la taille de la zone critique (zone où le drone est létal pour des tiers en cas d’accident, atténuation M2) de l’UAS. Ce moyen de conformité propose trois types d’approches différentes :
- Réduction du risque grâce à une réduction de 90 % de la zone critique nominale
- Réduction du risque due à une réduction de 90 % de la létalité (probabilité de provoquer une blessure mortelle)
- Combinaison de létalité et de réduction des zones critiques conduisant à une réduction des risques de 90 %.
Le document propose également 4 exemples de réduction des risques de type 1, 2 et 3 en cas d’utilisation d’un parachute ou d’une réduction de l’énergie cinétique.
Ce MoC peut être déclaré, mais le demandeur devra étayer ses affirmations par des preuves telles que définies dans les moyens de mise en conformité.
Les tests fonctionnels comme moyen de mise en conformité avec SC Light-UAS
Le moyen de mise en conformité sur la base d’essais fonctionnels pour la SC Light-UAS s’applique aux opérations en SAIL III ou en accord avec l’AESA pour une vérification de la conception. Le moyen de mise en conformité fait référence à la norme ASTM F3478-20 sur l’élaboration d’un programme de démonstration en vol et précise que l’UAS doit être testé à plus de 3 000 heures de vol pour le SAIL III.
Les moyens de mise en conformité définissent également les exigences de la SC Light-UAS qu’un tel programme de démonstration en vol permettrait de respecter. Nous notons que ce moyen de conformité permet de démontrer la conformité à de nombreuses exigences de la SC Light-UAS à risque moyen, mais qu’il ne couvre pas l’ensemble du champ d’application de la condition spéciale.
Les moyens de mise en conformité avec Light-UAS.2405, Light-UAS.2410 et Light-UAS.2615
Ces MoCs font actuellement l’objet d’une consultation externe jusqu’au 11 septembre 2023 et seront nécessaires pour la vérification de conception en SAIL IV. Ces moyens de mise en conformité couvrent les systèmes de sustentation, de poussée et d’alimentation. Ils renvoient à la norme ASTM F3298-19 « Standard Specification for Design, Construction, and Verification of Lightweight Unmanned Aircraft System » (Spécification standard pour la conception, la construction et la vérification d’un système d’aéronef sans pilote léger) pour la démonstration de la conformité.
Moyens futurs de mise en conformité
Grâce aux moyens de mise en conformité récemment élaborés ou en cours d’élaboration, il est de plus en plus possible d’avoir une certitude juridique concernant les opérations au-dessus de personnes en Europe. Il reste cependant certaines exigences de la SC Light-UAS qui n’ont pas encore de moyens de mise en conformité et pour lesquelles des efforts de réglementation et de normalisation sont encore nécessaires.